Page:Saint-Amant - 1907.djvu/211

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Que le bruit réveillé vint de sa violence
Effrayer le repos, la paix, et le silence,
Et que le roi des feux, d’un rayon vif et pur,
Eut refait le matin d’or, de poupre et d’azur,
La faucille à la main, de leur cabane ils sortent,
Vont au premier fossé, sur leur tête en rapportent
L’émail tremblant et vert de deux faisceaux de joncs,
En prennent les plus forts, en joignent les plus longs,
Et de leurs vites doigts en dressent un ouvrage,
Qui de bitume enduit, pour tromper le naufrage,
Ne sait s’il doit au vrai s’appeler un vaisseau,
Ou plutôt un cercueil, ou plutôt un berceau ;
Puis, après maint baiser accompagné de larmes
Que versait Jocabel sur l’enfant plein de charmes,
Après maint dur sanglot et maint soupir aigu,
Elle le couche enfin dans ce lit ambigu ;
Et, voyant qu’il riait d’une douce manière !
Las ! dit-elle, tu ris, ô ma gloire dernière,
Tu ris, mon seul espoir, et tu ne connais pas
Que peut-être ta vie est proche du trépas ;
Tu fais sur ton beau front éclater l’allégresse,
Et tu ne ressens point le péril qui te presse ;
Ah ! chétif, ah ! chétif, qu’il te serait bien mieux
De lâcher maintenant les sources de tes yeux !
O douleur ! ô remède ! ô lit ! ô sépulture !
Fut-il jamais au monde une telle aventure ?
J’égare exprès un bien afin de le trouver ;
Je l’expose aux hasards afin de l’en sauver,