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moïse sauvé 2o3

Mais c’est trop désirer, reprend-il tout à l’heure ; Il suffit, il suffit que pour elle je meure, Que ma mort elle plaigne et qu’elle honore un jour De larmes d’amitié les feux de mon amour.

Ces mots secrets finis, ces caresses passées, Mérary, dont les mains à la pêche exercées, Pendant leur belle course, avecque l’hameçon, Avaient trompé le temps en trompant le poisson. Les invite tous deux, d’une langue bénigne, A prendre comme lui le plaisir de la ligne ; Et tous deux aussitôt, la canne entre les doigts. Répondent sur la rive aux désirs de sa voix.

Muse qui si souvent, sur les bords de la Seine, A l’envi de ses eaux faisant couler ma veine, M’as tenu compagnie en de semblables jeux. Loin des émotions de ce siècle orageux. Tandis que la trompette alarmera la terre. Fais sonner à mon luth une plus douce guerre, Une guerre sans coups, sans désordre, sans bruit. Et de qui seulement des muets sont le fruit ; De grâce, accorde-moi qu’en ce lieu solitaire. Comme alors sur le Nil, les vents se puissent taire, Que rien ne m’interrompe, et qu’en esprit sur l’eau Des trois nobles pécheurs je fasse le tableau.

Mais dans l’onde déjà cette guerre s’allume, Déjà le crin retors que le plomb et la plume Tire au fond et retient, à l’œil est dérobé. Et déjà sous l’appât le piège recourbé