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204 S\)NT-AMANI

Offre au poisson béant, mu d’une brusque envie, Sa véritable mort sous une ombre de vie ; Déjà la canne ploie, et, déjà baut en l’air, Le nageur étant pris vole comme un éclair.

II s’y secoue en vain, de sa chute on s’approche, On y court, on le prend, du fer on le décroche ; II s’échappe des doigts, tombe, sautille, fuit. Fait voir mille soleils en l’écaillé qui luit. Bat l’herbe de sa queue, et, sur la plaine verte, D’une bouche sans cri, de temps en temps ouverte Bâille sans respirer, comme né sans poumon. Et laisse à qui l’étreint un reste de limon.

Marie, et prompte et simple en sa première épreuve, Jette presque en tremblant la ligne dans le fleuve ; Mais en l’espoir conçu trop d’ardeur la déçoit, Car le poisson rusé, qui l’embûche aperçoit, La rongeant tout autour, d’une lèvre avancée. Et trompant par le poids le bras et la pensée. Fait que la belle main, tirant la ligne à faux, Sent que ses premiers coups sont autant de défauts.

Toutefois, à la fin, et par la patience. Qui presque en toute chose est la seule science. Elle opère si bien qu’avec quelque bonheur Ayant fourbe le fourbe, elle prend le preneur.

Se sentant pris au piège, il s’agite dans l’onde, Va deçà va de là, d’une erreur vagabonde. Tâche à rompre le poil, fait branler le roseau ; Mais enfin de poisson on le change en oiseau.