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LETTRES ET PREFACES 23 1

pourrais faire couler ({uelques-unes parmi les mien- nes, sans qu’on s’en pût apercevoir, il m’est avis que ma conscience, me le reprochant secrètement, me ferait rougir lorsque je viendrais à les réciter, ou que les louanges qu’on me donnerait me seraient autant d’accusations de mon crime. Outre tout cela, je ne sais quel honneur on espère recevoir de ces servîtes imitations : car, comme entre les peintres le moindre original d’un Freminet * est beaucoup plus prisé que n’est la meilleure copie d’un Michel-Ange, tout de même entre les bons esprits l’invention, étant accompagnée de toutes les choses requises à la vraie poésie, est toujours préférée à toutes les autres parties d’un ouvrage. Il me semble déjà que je vous ouïs dire que je ne laisse pas pourtant d’imiter, et qu’Ovide a traité devant moi des fables que j*ai écrites après lui. Je le confesse ; mais je n’ai pris de lui que le sujet tout simple, lequel j’ai conduit et manié selon ma fantaisie ; que, s’il s’y rencontre en quelque endroit des choses qu’il ait dites, c’est que je les y ai trouvées si convenables et si néces- saires que la matière me les eût fournies d’elle-même, quand il ne m’en aurait pas ouvert le chemin, et que je ne les en pouvais ôter sans faire une faute…