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SAINT-AMANT

été des sept ou huit ans, tout de suite, sans y faire un seul vers ; et enfin, quand je suis venu à le regar- der de pied ferme pour y donner la dernière main, et que j’en ai bien considéré toutes les parties, j’ai fait celui qui, après de longs voyagea, tels qu’ont été les miens, se retrouvant en sa propre maison champêtre, et venant à revoir son jardin, en change aussitôt toute la disposition. Il fait dresser des allées où il n’y en avait point ; il fait arracher un arbre d’un côté pour le transplanter de l’autre ; change la figure de son parterre ; tâche à faire venir au milieu quelque fontaine qui l’embellisse ; l’orne de quelques statues ; raccommode les espaliers et les renouvelle ; si bien qu’encore que ce soit toujours le même fonds et le même enclos, à peine est-il reconnu de ceux qui l’avaient vu auparavant. On n’a pas toujours les mêmes goûts ; ce qui nous semblait excellent hier ne nous semble plus bon aujourd’hui, et tel a admiré une chose en sa jeunesse qui la trouve mauvaise quand l’âge vient mûrir son jugement. Cela se ren- contre surtout aux productions de l’esprit : nous aimons nos enfants, quelque mal faits et quelque vicieux qu’ils soient. Mais quand, par le temps, nous venons insensiblement à perdre l’amour de la nou- veauté, qui est presque naturel en tous les hommes, nous commençons à en reconnaître les défauts, et, faisant de notre aveugle tendresse une sévérité rai- sonnable, ne songeons plus qu’à les en corriger. Je