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LETTRES ET PRÉFACES 245

singulier et pluriel, et qui a été jugé dans l’acadé- mie même pour infiniment meilleur dans cette sorte d’ouvrages que celui de plusieurs ou de beaucoup, lequel sent bien plus la prose que les vers. Une grande et vénérable chaise à l’antique a quelquefois très bonne grâce, et tient fort bien son rang dans une chambre parée des meubles les plus à la mode et les plus superbes ; et mes rares et illustres amis qui ont travaillé ou qui travaillent à des poèmes de cette nature m’avoueront que, quand il y aurait mille fois plus de mots en notre langue qu’il y en a, encore trouveraient-ils qu’il n’y en aurait pas assez à leur gré pour diversifier la grandeur el la beauté de leurs expressions. Pour moi, quoi qu’on dise de la grecque et de la latine, quelque copieuses qu’elles soient et quelques avantages qu’elles aient dessus la nôtre, je ne crois pas que les Homères et les Virgiles ne les trouvassent pauvres et défectueuses, à comparaison de la richesse et de l’abondance de leurs pensées, et qu’il ne leur restât toujours dans l’esprit quelques images qui ne pouvaient passer jusqu’au bout de leur plume : c’est mon sentiment ; un autre dira le sien. ..

Je prévois encore que ceux qui n’aiment que let ; imitations des anciens, qui en font leurs idoles, el qui voudraient que l’on fût servilement attaché à ne rien dire que ce qu’ils ont dit, comme si l’esprit humain n’avait pas la liberté de produire rien de