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2^6 SAINT-AMANT

nouveau, diront qu’ils estimeraient plus un larcin que j’aurais fait sur autrui que tout ce que je leur pourrais donner de mon propre bien ; et je serais de leur goût s’il en était comme d’un certain homme qui, traitant un jour quelques-uns de ses amis, et les pressant de boire d’un vin qui était assez médio- cre, leur disait à chaque coup : Messieurs, il est petit, mais au moins il est de mon goût ! Quand un delà troupe, ne pouvant en avaler sans grimace, ne peut s’empêcher de lui dire brusquement, et presque en colère : Plût à Dieu qu’il fût de celui d’un autre, et qu’il fût meilleur !

Il est vrai que je ne me plais beaucoup à me parer des plumes d’autrui, comme la corneille d’Horace, et que la plupart du temps je ne m’amuse à faire que des bouquets de simples fleurs tirées de mon propre parterre ; la description des moindres choses est de mon apanage particulier ; c’est où j’emploie le plus souvent toute ma petite industrie ; mais peut-être quelqu’un en jugera-t-il comme fit autrefois celui qui dit qu’il trouvait que la nature avait acquis plus de gloire et s’était montrée plus ingénieuse et plus admirable en la construction d’une mouche qu’en celle d’un éléphant. Ce n’est pas que j’embrasse avec plaisir et avec ardeur les matières les plus difficiles et les plus relevées, et que, quelques leçons de tempérance et d’humilité que je fasse à mon génie, il ne présume en soi-même que, si je lui eusse