Page:Saint-Amant - 1907.djvu/30

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charme les oreilles, elle les blesse ; et, si la poésie ne nous ravit et n’élève l’âme au-dessus de sa matière, elle est d’autant plus ridicule qu’elle est digne d’admiration lorsqu’elle est montée à ce point qui la fait nommer le langage des dieux. Aussi n’a-t-elle rien que de sublime : ses ornements sont tous riches, et, bien que ses grâces soient dans la naïveté et que ses beautés soient toutes naturelles, si est-ce qu’elle veut toujours être accompagnée d’éclat et de pompe. Elle a je ne sais quels rayons de divinité qui doivent reluire partout, et, lorsque ce feu manque de l’animer, elle n’a plus de force qui la puisse rehausser au-dessus des choses les plus vulgaires. Cette chaleur, que les anciens ont appelée génie, ne se communique qu’à fort peu d’esprits, et ne se fait principalement remarquer qu’aux descriptions, qui sont comme de riches tableaux où la nature est représentée : d’où vient que l’on a nommé la poésie une peinture parlante. Et de fait, comme elle est le plus noble effort de l’imagination, on peut dire aussi que son plus noble chef-d’œuvre est celui de bien décrire. C’est cette partie qui ne se peut acquérir, non plus que ces grâces secrètes qui nous ravissent