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Page:Saint-Amant - 1907.djvu/304

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2’]6 SAINT-AMANT

convenir le moindrement du monde à Boileau, esprit juste, mais étroit, critique passionné et ignorant, si l’on en excepte la littérature ancienne, poète qui parle tou- jours devers et de rime et jamais de poésie, adroit arran- geur qui n’a peut-être pas dans toute son œuvre quatre lignes qui lui appartiennent en propre ; satirique sans portée, qui ne voit pas d’autres crimes au monde et d’au- tres vices à flageller que des fautes de français ou des vers discordants : aussi en parle-t-il d’un ton fort dédaigneux dans son Art poétique. — Il est vrai que, par compensa- tion, il lui accorde dans ses Réflexions sur Longin assez de génie pour les ouvrages de débauches, mais c’est comme à regret.

Quoi qu’il en soit, Saint-Amant est à coup sûr un très grand et très original poète, digne d’être cité entre les meilleurs dont la France puisse s’honorer. Sa rime est extrêmement riche, abondante, imprévue et souvent ines- pérée. — Son rythme est nombreux, habilement sou- tenu et ménagé. — Son style est très varié, très pitto- Iresque, très imaginé, quelquefois sans goût, mais toujours lamusantet neuf. Par l’analyse et les citations nous ferons »oir quel cachet et quelle tournure il sait imprimer aux (moindres choses…

Saint-Amant ne savait pas à fond son grec ni son latin, comme il le dit lui-même ; en revanche, il possédait par- faitement l’anglais, l’espagnol et l’italien ; il était, en outre, très bon musicien et jouait bien du lulh. — Théo- phile dit de lui :

Saint-Amant sait polir la rime

Avec une si douce lime

Que son luth n’est pas plus mignard.