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Page:Saint-Amant - 1907.djvu/305

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Il fait allusion lui-même, plusieurs fois, et assez peu modestement, il faut en convenir, à son talent pour la musique dans le cours de ses ouvrages, et, entre autres, dans le Moïse sauvé, où, pour donner une idée de la suavité du chant des rossignols, il la compare aux charmes de son luth : ce qui donne lieu de croire qu’il en jouait, non en simple amateur, mais en virtuose consommé. C’est d’ailleurs une particularité assez remarquable chez un poète français ; on n’en cite guère qui aient été musiciens et poètes à la fois, à moins que ce ne soit dans des temps très anciens.

(Théophile Gautier, les Grotesques.)
§ 2

Saint-Amant est un des plus curieux esprits et des meilleurs poètes du temps ; il y avait vraiment quelque chose en lui. De culture peu classique, peu superstitieux des anciens, indépendant de Malherbe, admirateur de Rabelais, Marot et du Bartas, il connaît Bacon, il aime le Don Quichotte, Lazarille de Tormes, subit peut-être l’influence de Gongora et sûrement celle de Marini… Saint-Amant serait un réaliste puissant, s’il n’avait la manie, que lui impose la mode, de tout dire finement ou comiquement. Il a un sentiment vif de la nature ; c’est un grand peintre de paysages, qui note les impressions de l’air et de la lumière avec une délicate justesse ; je ne sais s’il n’a pas un mérite unique au xvn" siècle : il a vu et senti la mer. Il a le sens des différences, il a appris à voir dans ses voyages les aspects singuliers des pays exo-