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Page:Saint-Amant - 1907.djvu/32

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des belles matières, sont comme ces grands fleuves qui portent la fertilité dans les campagnes et l’abondance dans les villes. Notre ami se peut vanter d’être de ceux-là et d’avoir toutes les grandes qualités requises à un vrai poète. Ses inventions sont hardies et agréables ; ses pensées sont hautes et claires ; son élocution est nette et vigoureuse, et, jusques au son et à la cadence de ses vers, il se trouve une harmonie qui peut passer pour sœur légitime de celle de son luth. Lorsqu’il décrit, il imprime dans l’âme des images plus parfaites que ne font les objets mêmes. Il fait toujours remarquer quelque nouveauté dans les choses qu’on a vues mille fois, et ce qui est particulièrement à considérer en lui, c’est qu’il n’achève jamais ces beaux portraits sans y donner un trait de maître, et sans y laisser un aiguillon à la fin qui chatouille l’esprit longtemps après qu’il en a été piqué. Lorsqu’il veut être sérieux, il semble qu’il n’ait jamais hanté que des philosophes, et, quand il veut relâcher son style dans la liberté d’une honnête raillerie, il n’est point d’humeur si stupide qu’il ne réveille, ni si sévère dont il ne dissipe le chagrin