Page:Saint-Amant - 1907.djvu/65

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Sous le plaisant climat des Iles de Fortune,
Où tous les habitants font hommage à Neptune,
Un aimable berger demeurait autrefois ;
Trop heureux si d’amour il n’eût suivi les lois.
Lyrian fut son nom, et celui de la belle
Qu’à sa longue recherche il trouva si rebelle,
Sylvie, ainsi que vous, qui par la cruauté
Lui ressemblez aussi comme par la beauté.
On tient en ce pays, où vit sa renommée,
Qui jamais par les ans ne sera consommée,
Qu’au doux art qu’Apollon enseigne aux bons esprits,
Sur tous les plus diserts il emportait le prix.
Mais ni tous ses discours ni son mérite extrême,
Que l’envie étonnée admirait elle-même,
Ne purent disposer l’objet de ses désirs
A changer ses ennuis en autant de plaisirs.
Les prés délicieux et les bois solitaires,
Qui lui servaient alors de loyaux secrétaires,
Sont encore témoins, et le seront toujours,
De la fidélité de ses chastes amours.
C’étaient eux seulement qui connaissaient sa flamme,
C’étaient eux seulement qui soulageaient son âme,
Quand, au fort des douleurs qui le persécutaient,
Avec quelque pitié sa plainte ils écoutaient.

O Dieux ! combien de temps fut-il à se résoudre.
Bien qu’il vit que son cœur s’alloit réduire en poudre,
A découvrir sa peine aux yeux qu’il adorait.
Tant la discrétion en ses mœurs opérait !