Page:Saint-Amant - 1907.djvu/90

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     Je t’en prends toi-même à témoin,
     Reconnais qu’elle est bien plus loin,
     Puisqu’elle y paraît si petite ;
Et crois que tu la vois, par un regard fatal,
     Dans mon cœur, où l’amour habite,
Comme on voit un portrait au travers d’un cristal.

     À ce discours l’âme ravie
     De ne savoir que repartir,
     Je la priais de consentir
     Aux vœux de l’amoureuse envie ;
     Et pour terminer tout débat,
     Je l’invitais au doux ébat
     Où jamais femme ne se lasse,
L’étreignant, en l’ardeur qui m’avait provoqué,
     Mieux que le houbelon* n’embrasse
L’aubépine qu’il aime, et dont il est piqué.

     Là, sur sa bouche à demi close
     Je buvais, baisant nuit et jour,
     A la santé de notre amour,
     Dedans une coupe de rose,
     Ma bergère, en toute saison
     Ardente à me faire raison,
     S’enivrait de la même sorte ;
Et dans ce doux excès nos sens quasi perclus,
     Sous une contenance morte,
Confessaient par nos yeux que nous n’en pouvions plus