Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/595

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parce que « Dieu a regardé favorablement l’humilité de sa servante (Luc., i, 48), » Éloge de l’humilité de la sainte Vierge. plutôt que sa virginité. Elle lui plut sans doute parce qu’elle était vierge, mais elle ne conçut que parce qu’elle était humble, d’où je conclus sans hésiter que c’est à son humilité que sa virginité dut de plaire à Dieu.

6. Que dites-vous, vierge orgueilleuse ? Marie oublie sa virginité pour ne se glorifier que de son humilité, et vous, vous ne songez qu’à vous glorifier de votre virginité sans penser à l’humilité. « Le Seigneur, dit-elle, a regardé l’humilité de sa servante. » Qui est-ce qui parle ainsi ? C’est une vierge sainte, sobre et dévote. Seriez-vous plus chaste et plus dévote qu’elle ne fut ? Ou bien pensez vous que votre pureté est plus agréable à Dieu que ne le fut la chasteté de Marie, pour croire que vous pourrez par elle plaire à Dieu sans être humble, quand Marie ne le put point, toute pure qu’elle était. D’ailleurs, plus vous vous élevez haut par le don singulier de la chasteté, plus vous vous faites de tort en la souillant dans votre âme par le mélange de l’orgueil. Après tout, mieux vaudrait pour vous que vous n’eussiez point conservé la virginité que d’être vierge et de vous en enorgueillir. Certainement il n’est pas donné à tout le monde d’être vierge, mais il l’est encore à bien moins de personnes d’être vierges et humbles en même temps. Si donc vous ne vous sentez point capable d’imiter la sainte Vierge dans sa chasteté, imitez-la du moins dans son humilité, et il suffit. Mais si vous êtes en même temps vierge et humble, qui que vous soyez, vous êtes vraiment grand.

7. Mais il y a encore en Marie quelque chose de plus admirable, c’est la fécondité unie à la virginité. Ce qui est admirable en Marie c’est la virginité unie à la fécondité.En effet, jamais, depuis que le monde est monde, on n’a entendu parler d’une vierge mère. Mais que sera-ce si vous faites attention à celui dont elle est la mère ? À quel degré alors ne s’élèvera pas votre admiration ? Ne vous semble-t-il pas même qu’elle ne saurait jamais être assez grande ? Est-ce que, à votre avis, ou plutôt au jugement même de Dieu, la femme qui a eu Dieu même pour fils n’est point placée plus haut que les chœurs mêmes des anges ? Or est-ce que ce n’est point Marie qui appelle La maternité de Marie surpasse toute espèce de grandeur. sans hésiter le Seigneur et le Dieu des anges son fils, quand elle lui dit : « Mon fils, pourquoi en avez-vous agi ainsi avec nous (Luc, ii, 48) ? » Est-il un ange qui pût tenir ce langage ? C’est déjà beaucoup pour eux et ils s’estiment bien heureux, étant des esprits par nature, d’avoir été faits et appelés anges, par un effet de la grâce de Dieu, selon ce que dit David : « Il a fait des esprits ses anges (Psalm., ciii, 4). » Marie, au contraire, se sentant mère, appelle avec confiance du nom de fils celui dont ils servent la majesté avec respect. Et Dieu ne répugne point à s’entendre appeler par le nom de ce qu’il a daigné être, car un peu plus loin, l’Évangéliste fait remarquer que « il leur était soumis (Luc., ii, 31). » Il ; qui, il ? et à eux ; à qui, à eux ? Un Dieu soumis à des hommes, un Dieu, dis-je, à qui les anges mêmes sont soumis, les Principautés Suprême condescendance du Christ ; suprême honneur de Marie. et les Puissances obéissent, soumis lui-même à Marie, non-seulement à Marie, mais aussi à Joseph à cause de Marie. De quelque côté que vous vous tourniez, vous avez également de quoi être frappé d’admiration ; le seul embarras est de savoir ce qui mérite le plus que vous l’admiriez, de l’ai-