Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/616

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se serait-il point servi de ce mot, « il sera, » pour indiquer que celui qui déjà était grand en tant que Dieu, serait grand aussi en tant qu’homme ? Oui, « il sera effectivement grand ; » grand comme homme, grand comme docteur, grand comme prophète, car voici en quels termes il est parlé de lui dans l’Évangile, « un grand prophète a paru parmi nous (Luc, vii, 16). » Or ce grand prophète a été prédit ainsi par un moindre prophète que lui. « Voici venir un grand prophète qui renouvellera Jérusalem. » Et vous, ô Vierge, si celui que vous allez enfanter, nourrir et allaiter, n’est qu’un tout petit enfant, en voyant ce petit enfant, songez qu’il sera grand. Oui, il sera grand, car Dieu même l’élèvera tellement en gloire en présence des puissants du monde, que peuples et rois l’adoreront et le serviront. Que votre âme exalte donc le Seigneur, ô Marie, car il sera grand et sera appelé le Fils du Très-Haut. Il sera grand et le Tout Puissant, lui dont le nom est saint, et il fera de grandes choses en vous. Quel nom en effet est plus saint que celui qui « sera le nom du fils du Très-Haut ? » Et nous aussi qui sommes petits, disons les louanges du Seigneur qui est grand, mais qui s’est fait petit lui-même afin de nous faire grands aussi. « Un petit Jésus, de grand, s’est fait petit pour nous faire grands nous-mêmes. enfant est né pour nous, dit le Prophète, et un fils nous a été donné (Isa., ix, 6). » Oui, il est né pour nous, non point pour lui, cet enfant qui a reçu de son Père avant les temps une naissance bien plus glorieuse, n’avait pas besoin de naître encore d’une simple mère dans le temps. Il n’est pas né non plus pour les anges, car ils l’avaient dans sa grandeur et n’avaient pas besoin de l’avoir petit enfant. C’est donc bien pour nous qu’il est né et à nous qu’il a été donné, parce qu’il n’y a que nous qui eussions besoin de lui.

14. Il ne nous reste plus maintenant qu’à faire Quel avantage nous devons tirer pour notre salut du Christ qui est né pour nous. avec celui qui nous est né et qui nous a été donné, ce pour quoi il nous est né et nous a été donné : Servons-nous de lui puisqu’il est à nous, pour notre propre bien et, avec le Sauveur, opérons notre salut. Il est là au milieu de nous, ce petit enfant. Ô petit enfant que les petits appellent de tous leurs vœux ! Ô enfant effectivement petit en malice sinon en sagesse ! Travaillons à devenir tels que ce petit enfant-là ; apprenons de lui qu’il est doux et humble de cœur, afin que notre grand Dieu ne se soit pas fait petit pour rien, ne soit pas mort pour rien, n’ait pas été crucifié pour rien. Apprenons son humilité, imitons sa mansuétude, embrassons son amour, partageons sa passion et lavons-nous dans son sang. Offrons-le comme une victime de propiation pour nos péchés, car ce n’est pas pour autre chose qu’il nous est né et qu’il nous a été donné. Oui, exposons-le aux yeux de son père et à ses propres yeux à lui-même, car le Père n’a point épargné son propre Fils, il l’a même livré pour nous (Rom., viii, 32) ; le Fils lui-même s’est anéanti en prenant la forme de l’esclave (Philipp., ii, 7), il a livré son âme à la mort, a été mis au nombre des scélérats, s’est chargé de nos péchés à tous et a prié pour les pécheurs afin qu’ils ne périssent point (Isa., liii, 12). Ceux pour qui le Fils a prié afin qu’ils ne périssent point ne sauraient périr, de même que ceux pour qui le Père a livré son propre Fils à la mort, ne peuvent que vivre. Il y a donc lieu d’espérer également de l’un et de l’autre notre pardon puisqu’ils ont l’un et l’autre fait preuve d’une égale miséricorde dans leur bonté, qu’ils ont une volonté d’une égale puissance et qu’ils n’ont l’un et l’autre qu’une