Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/320

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Les lois civiles de France paraîtront admirables à quiconque peut approfondir les ressources que la nature laissait aux hommes dans la raison, tant elle est infinie, harmonieuse et inépuisable. La sagesse a placé les fondements éternels des lois françaises sous les diverses considérations du contrat social ; elles sont la plupart puisées dans le droit romain, c’est-à-dire dans la source la plus pure qui fut jamais. Il est seulement fâcheux qu’elles érigent en devoirs intéressés les plus doux sentiments de nos entrailles, et qu’elles n’aient pour principe que la propriété avare.

En effet, le droit civil est le système de la propriété. Le croirait-on, que l’homme se soit assez éloigné de cet aimable désintéressement qui semble être la loi sociale de la nature, pour honorer cette triste propriété du nom de loi naturelle ? Êtres passagers sous le ciel, la mort ne nous avait-elle point appris que loin que la terre nous appartint, notre stérile poussière lui appartenait à elle-même ? Mais que sert de rappeler une morale désormais inutile aux hommes, à moins que le cercle de leur corruption ne les ramène à la nature. Il n’est point de mon sujet de faire un songe ; je veux dire que la terre soit partagée entre les humains après la mort de leur mère commune, et que la propriété a des lois qui peuvent être pleines de sagesse, qui empêchent la corruption de se dissoudre, et le mal d’abuser de lui-même. L’oubli de ces lois avait fait naître la féodalité, leur ressouvenir l’a renversée ; ses ruines ont étouffé l’esclavage, elles ont rendu l’homme à lui-même, le peuple aux lois.

CHAPITRE IV.

DU RÉGIME FÉODAL

La suppression des règles féodales détruisit une moitié des lois qui déshonorait l’autre. S’il n’était pénible de s’irriter encore contre le mal qui n’est plus, je dévoilerais ces horreurs qui ont donné l’exemple, chez les modernes, d’une servitude inconnue à l’antiquité même, d’une servitude