Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/325

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pour savoir où trouver un fripon pour instrument de ses desseins, et connaître tous les yeux ouverts sur l’intérêt de la patrie, pour les éviter ou les tromper. Il peignit faussement Marat sous quelques-unes de ses propres couleurs, pour s’attirer une estime secrète ; il joua sur les esprits et sur les meurs, sur les préjugés et les passions, comme un compositeur de musique sur les notes d’un instrument.

Fabre fut royaliste de tout temps dans le fond de son cœur ; il dissimula comme les autres, parce qu’il était lâche.

Ce fut dans la journée du 10 août que les chefs des différents partis royalistes se montrèrent à découvert. Pétion, Carra, Vergniaux, Brissot, s’efforcèrent d’enchaîner le torrent du parti républicain ; on les vit implorer le peuple en faveur du tyran et de sa famille.

Fabre contribua à sauver Duport ; il avait eu, avant le 10 août, des intelligences avec la cour ; il se prétendait le confident de toutes les intrigues des Tuileries ; beaucoup de gens lui ont entendu dire qu’il jouait la cour : il est très vraisemblable qu’il jouait tout le monde. Fabre ne dit presque mot pendant les dix premiers mois de la Convention ; il ménagea Dumouriez, Brissot et les Jacobins, et attendait en équilibre que la victoire se fût décidée entre le crime et la vertu.

Au mois de juin, les intrigues que la terreur du 31 mai avait rompues, se renouèrent. Chaque faction avait un but particulier : toutes tendaient à la destruction de la Convention et du gouvernement. Chaque faction ayant ses créatures et ses dupes, il s’ourdit une conjuration sourde et compliquée qui corrompit tellement les pouvoirs et l’esprit public, que la Convention nationale et les patriotes de bonne foi restèrent isolés.

Il y eut alors un parti chargé par l’étranger de corrompre la République, d’y lancer la guerre civile par des opinions brusquement énoncées et soutenues par la violence. Un ami de Chaumette dit, dans une société populaire de la Nièvre, qu’il allait arriver le temps où l’attachement d’un père pour son enfant, où le respect filial seraient punis comme des attentats à la liberté naturelle des êtres.