Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/329

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Que dirai-je de ton lâche et constant abandon de la cause publique au milieu des crises, où tu prenais toujours le parti de la retraite ? Mirabeau mort, tu conspiras avec les Lameth, et tu les soutins. Tu restas neutre pendant l’Assemblée législative, et tu te tus dans la lutte pénible des Jacobins avec Brissot et la faction de la Gironde. Tu appuyas d’abord leur opinion sur la guerre. Pressé ensuite par les reproches des meilleurs citoyens, tu déclaras que tu observais les deux partis, et tu te renfermas dans le silence. Lié avec Brissot au Champ-de-Mars, tu partageas ensuite sa tranquillité et ses opinions liberticides : alors livré entièrement à ce parti vainqueur, tu dis de ceux qui s’y refusaient, que puisqu’ils restaient seuls de leur avis sur la guerre, et que puisqu’ils se voulaient perdre, tes amis et toi deviez les abandonner à leur sort. Mais quand tu vis l’orage du 10 août se préparer, tu te retiras encore à Arcis-sur-Aube. Déserteur des périls qui entouraient la liberté, les patriotes n’espéraient plus te revoir. Cependant, pressé par la honte, par les reproches, et quand tu sus que la chute de la tyrannie était bien préparée et inévitable, tu revins à Paris le 9 août. Tu te couchas dans cette nuit terrible. Ta section qui t’avait nommé son président, t’attendit longtemps, on t’arracha d’un repos honteux, tu présidas une heure, tu quittas le fauteuil à minuit quand le tocsin sonnait, au même instant les satellites du tyran entrèrent et mirent la baïonnette sur le cœur de celui qui t’avait remplacé : toi, tu dormais.

Dans ce moment, que faisait Fabre, ton complice et ton ami ? Tu l’as dit toi-même : qu’il parlementait avec la cour pour la tromper. Mais la cour pouvait-elle se fier à Fabre, sans un gage certain de sa vénalité, et sans des actes très évidents de sa haine pour le parti populaire ? Quiconque est l’ami d’un homme qui a parlementé avec la cour, est coupable de lâcheté. L’esprit a des erreurs ; les erreurs de la conscience sont des crimes. Mais qu’as-tu fait depuis pour nous prouver que Fabre, ton complice, et toi aviez voulu tromper la cour ? Votre