Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/336

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tout ce que la liberté honore : on y impliqua les meilleurs défenseurs de la liberté, on y impliqua même Marat ; on annonça qu’il allait descendre du Panthéon. Que son ombre en descende pour serrer le cœur des ennemi du peuple, et pour les confondre !

Il a été ourdi depuis six mois un plan de palpitation et d’inquiétude dans le gouvernement.

Chaque jour on nous envoyait un rapport sur Paris : on nous insinuait avec souplesse, tantôt des conseils imprudents, tantôt des craintes déplacées : les tableaux étaient calculés sur les sentiments qu’y importait de nous faire naître, pour que le gouvernement marchât dans le sens qui convenait aux complots criminels. On y louait Danton, on y accréditait Hébert et Camille Desmoulins, et l’on y supposait tous leurs projets sanctionnés par l’opinion publique, pour nous décourager. Ces rapports osèrent nous dire pendant le procès d’Hébert, qu’on parlait d’arracher Marat du Panthéon et d’y mettre la Corday : ce sont les mêmes plumes qui louaient Danton et Desmoulins, qui traçaient ces horreurs.

La faction de Dumouriez a fait assassiner Marat,ses complices veulent encore assassiner sa mémoire. Ceux qui louèrent les vices de Dumouriez étaient bien faits pour outrager sa gloire et pour immoler la vertu. Achevons de peindre ces hommes qui n’osant se déclarer, ont conspiré sous la poussière. Ils eurent les qualités des conspirateurs de tous les temps ; ils se louaient mutuellement, et disaient l’un de l’autre tout ce qui pouvait tromper les jugements.

Les amis du profond Brissot avaient dit longtemps de lui qu’il était un inconséquent, un étourdi même. Fabre disait de Danton qu’il était insouciant, que son tempérament l’entraînait à la campagne, aux bains, aux choses innocentes.

Danton disait de Fabre que sa tête était un imbroglio, un répertoire de choses comiques, et le présentait comme ridicule, parce que ce n’était qu’à ce prix qu’il pouvait ne point passer pour un traître, par le simple aperçu de sa manière tortueuse de se conduire. Danton riait avec Ducos, faisait le distrait près de d’Orléans, et le familier prés de Marat qu’il détestait, mais qu’il craignait.