Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’effectuer la garantie pratique du gouvernement, par l’amour du bien, devenu la passion de tous les citoyens. Ce furent ces vérités tristes qui, me conduisant au-devant des orages et des jalousies que j’entrevoyais, me firent concevoir l’idée d’enchaîner le crime par des institutions, et de faire pratiquer à tous la justice et la probité dont j’avais proféré les noms sacrés…

J’avais aussi l’idée touchante que la mémoire d’un ami de l’humanité doit être chère un jour. Car enfin, l’homme obligé de s’isoler du monde et de lui-même jette son ancre dans l’avenir, et presse sur son cœur la postérité, innocente des maux présents…

Dieu protecteur de l’innocence et de la vérité, puisque tu m’as conduit parmi quelques pervers c’était sans doute pour les démasquer !…

La politique avait compté beaucoup sur cette idée, que personne n’oserait attaquer des hommes célèbres, environnés d’une grande illusion… J’ai laissé derrière moi toutes ces faiblesses ; je n’ai vu que la vérité dans l’univers, et je l’ai dite…

Les circonstances ne sont difficiles que pour ceux qui reculent devant le tombeau. Je l’implore, le tombeau, comme un bienfait de la Providence, pour n’être plus témoin de l’impunité des forfaits ourdis contre ma patrie et l’humanité.

Certes, c’est quitter peu de chose qu’une vie malheureuse, dans laquelle on est condamné à végéter le complice ou le témoin impuissant du crime…

Je méprise la poussière qui me compose et qui vous parle ; on pourra la persécuter et faire mourir cette poussière ! Mais je défie qu’on m’arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et dans les cieux…

Il est essentiel, dans les révolutions, où la perversité et la vertu jouent de si grands rôles, de prononcer très nettement tous les principes, toutes les défini¬tions. Il arrive un moment où ceux qui ont le plus d’esprit et de politique l’em-