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Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/508

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titution fut une seconde association qui donna aux hommes un génie nouveau, de nouveaux intérêts. Obligés de se soutenir par la violence et par les armes, ils attribuèrent à la nature les besoins qui ne leur étaient venus que de l’oubli de la nature. Il fallut donner à ces grands corps politiques des proportions et des lois relatives, afin de les affermir… L’on s’accoutuma à croire que la vie naturelle était la vie sauvage. Les nations corrompues prirent la vie brutale des nations barbares pour la nature ; tandis que les unes et les autres étaient sauvages à leur manière, et ne différaient que de grossièreté.

La société politique n’a point, comme on l’a prétendu, fait cesser l’état de guerre ; mais au contraire elle l’a fait naître, en établissant entre les hommes des rapports de dépendance qu’ils ne connaissaient pas auparavant.

Tout ce qui respire sous la loi naturelle est indépendant de son espèce, et vit en société dans son espèce.

Tout ce qui respire sous une loi politique, ou une loi de force, est en guerre contre ce qui n’est point sa société, ou ce qui n’est point son espèce.

L’indépendance des êtres de même espèce entre eux est fondée sur les rapports ou sur les lois qui les unissent. Unis par ces rapports ou ces lois, ils se trouvent en état de force contre une autre espèce que la leur.

Les animaux de même espèce n’ont point formé de sociétés particulières, armées les unes contre les autres.

Les peuples cependant se sont armés contre les peuples.

Tous les êtres sont nés pour l’indépendance ; cette indépendance a ses lois, sans lesquelles ils languiraient isolés, et qui, en les rapprochant, forment la société. Ces lois dérivent des rapports naturels ; ces rapports sont les besoins et les affections. Ces besoins et ces affections ne donnent à aucun le droit de conquête sur les autres ; car cette conséquence détruirait son principe. Ils produisent ce qu’on appelle le commerce, ou l’échange libre de la possession.

Selon la mesure de leurs besoins ou de leurs affections, les animaux s’asso¬cient plus ou moins. On les voit presque