Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/509

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toujours par troupeaux, si ce n’est que l’avarice de l’homme les effraie. Ils se rencontrent, sans se maltraiter ni se fuir. Le plus sensible, le plus intelligent de tous, l’homme, naît pour une société plus parfaite, pour des rapports plus étendus, pour des plaisirs plus vifs, et pour les délices de l’indépendance.

Les hommes forment donc une société naturelle qui repose sur leur indépen¬dance. Mais un peuple en corps (puisqu’il existe des peuples) forme une force politique contre la conquête. L’état social est le rapport des hommes entre eux ; l’état politique est le rapport des peuples.

On voit que les hommes, se traitant eux-mêmes en ennemis, ont tourné contre leur indépendance sociale la force qui n’était propre qu’à leur indépendance exté¬rieure et collective ; que cette force, par le contrat social, est devenue une arme à une portion du peuple pour opprimer le peuple entier, sous prétexte de le défendre contre ses membres et contre des ennemis étrangers.

Si tel fut l’objet du contrat social de conserver l’association, les hommes dans ce sens sont considérés comme des bêtes sauvages qu’il a fallu dompter. En effet, par le contrat, tous vivent armés contre chacun, comme une troupe d’animaux de diverses espèces inconnues l’une à l’autre et tout près de se dévorer. La sûreté de tous est dans l’anéantissement de chacun, au lieu qu’on la trouve si simplement dans leur indépendance.

Je crois pouvoir dire que la plupart des erreurs politiques sont venues de ce qu’on a regardé la législation comme une science difficile. De là, l’incertitude et la diversité des gouvernements. De pareilles idées devaient perpétuer les peuples dans l’esclavage ; car, en supposant l’homme farouche et meurtrier dans la nature, on n’imaginait plus d’autre ressort que la force pour le gouverner.

Néanmoins, comme dans la république l’intérêt d’un seul est protégé par la force de tous, et que tous et chacun sont, non point unis, mais liés par la pression, la république, par la nature de la convention, a fait un contrat politique, ou de force, entre chacun et tous, et ce contrat