Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/515

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Il faut peu de lois. Là où il y en a tant, le peuple est esclave. L’esclavage est l’abnégation de sa volonté. Là où l’homme obéit, sans qu’on le suppose bon, il n’y a ni liberté ni patrie. Celui qui donne à un peuple trop de lois est un tyran. Le nom de loi ne peut sanctionner le despotisme ; le despotisme est l’exercice sur le peuple d’une volonté étrangère à la sienne.

Obéir aux lois, cela n’est pas clair ; car la loi n’est souvent autre chose que la volonté de celui qui l’impose. On a le droit de résister aux lois oppressives…

Lorsque la politique humaine attache la chaîne aux pieds d’un homme libre, qu’elle fait esclave, au mépris de la nature et du droit de cité, la justice éternelle rive l’autre bout au cou du tyran…

La force des lois générales est extrême. L’autorité suprême gouverne aisément le peuple et ne peut gouverner le gouvernement.

La France est plus puissante pour mouvoir le peuple français, le porter à des sacrifices et lui faire prendre les armes, qu’elle n’est puissante contre chacun et contre un abus particulier.

3. Mœurs

La destinée d’un peuple se compose de ceux qui visent à la gloire et de ceux qui visent à la fortune.

Chacun, votant et parlant dans les délibérations publiques, parle et vote selon ses idées. S’il y a plus de gens qui visent à la gloire, l’État est heureux et prospère ; s’il y a plus de gens qui visent à la fortune, l’État dépérit.

Il n’est, dans tout État, qu’un fort petit nombre d’hommes qui s’occupent d’autre chose que de leur intérêt et de leur maison. Il en est peu qui prennent part dans les affaires et dans la nature du gouvernement. En France, la dénomination de patriote exige un sentiment vif, qui contrarie ceux qui sont accoutumés et prennent un lâche plaisir à ne se mêler de rien…