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Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/517

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4. République et Gouvernement

De même qu’une nation peut être gouvernée dans le plus grand degré de faiblesse d’opinion, de même elle peut l’être dans le plus haut degré d’énergie. Sur quel¬que ton qu’on se monte, on peut marcher, pourvu qu’on y soit en harmonie. Je pense donc que nous devons être exaltés ; cela n’exclut point le sens commun, ni la sagesse.

On peut mettre l’ordre, même dans une cité ardente, comme la nature le met dans un coursier et dans un volcan. Établissons notre doctrine, donnons la vie à notre liberté : elle nous condamne à la vertu, au courage, à la modestie ; ne seraient-ce que de vains mots ? Elle nous condamne à la haine de la tyrannie ; l’épargnerions-nous ? Formons la cité : il est étonnant que cette idée n’ait pas encore été à l’ordre du jour.

Une république est difficile à gouverner, lorsque chacun envie ou méprise l’autorité qu’il n’exerce pas ; lorsque le soldat envie le cheval de son général, ou le général l’honneur que la patrie rend aux soldats ; lorsque chacun s’imagine servir celui qui le commande et non la patrie ; lorsque celui qui commande s’imagine qu’il est puissant, et non pas qu’il exerce la justice du peuple ; lorsque chacun, sans apprécier les fonctions qu’il exerce et celles qui sont exercées par d’autres, veut être l’égal du pouvoir au-dessus du sien, et le maître de ceux qui exercent un pouvoir au-dessous de lui ; lorsque chacun de ceux qui exercent l’autorité se croit au-dessus d’un citoyen, tandis qu’il n’a de rapports qu’avec les abus ou les crimes.

En effet, le citoyen n’a d’abord de rapports qu’avec sa conscience et la morale ; s’il les oublie, il a ce rap¬port avec la loi ; s’il méprise la loi, il n’est plus citoyen ; là commence son rapport avec le pouvoir.

En un mot, on ne peut point gouverner un État lorsque tout le monde a de l’orgueil, au lieu que tout le monde ait de la modestie.