Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/522

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de factions : les mœurs privées seront douces, et les mœurs publiques fortes. Alors, le citoyen jugeant de tout avec un sens droit, l’étranger n’aura plus l’initiative des jugements sur les choses et sur les personnes, et son influence passera au milieu de nous sans nous corrompre, et sera sentie d’abord.

J’ai dit que le travail et le respect civil étaient pour nous des vertus nécessaires. En effet, si nous continuons d’émettre autant de signes que nous l’avons fait par le passé, chacun à la fin se sentant assez opulent pour se dispenser du travail, vous verrez dépérir les cultures et les manufactures.

Quand Rome perdit le goût du travail et vécut des tributs du monde, elle perdit sa liberté.

On commence à voir aujourd’hui des citoyens qui ne travaillent que trois jours l’un. Autrefois, la noblesse, la cour remplissaient les spectacles : celle-ci est ban¬nie, l’autre est peu nombreuse ; et cependant les spectacles présentent le même luxe. Quels sont donc ceux qui l’étalent, si ce ne sont ceux qui travaillaient autre¬fois ?

La république ne doit-elle donc exister que dans la tribune aux harangues et dans la charte de nos lois ? La monarchie restera-t-elle dans l’état civil ?

Quant au respect, celui-là seul y peut manquer qui ne peut s’estimer lui-même. L’étranger l’a fait disparaître pour altérer la piété républicaine. Il a voulu qu’on n’eût la force ni de se haïr ni de s’aimer, mais que l’on se méprisât et que l’on se craignît. Par là, l’étranger établit un principe de jalousie entre les citoyens ; par là, il ruina la garantie de la vertu même, en brisant l’obstacle qui eût empêché de la flétrir.

Le jour où le respect civil sera banni, et l’illusion de la vertu flétrie, la liberté ne sera plus.

L’Europe n’a plus aujourd’hui qu’un moyen de nous perdre, c’est de nous ôter le travail et le respect des gens de bien.

Malheur aux peuples chez lesquels la législation et l’autorité s’affaibliraient à ce point, que le travail et le respect civil s’y perdissent !