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Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/305

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donnerai toute ma fortune à mon cousin ; ensuite je partirai pour Londres ; je ferai répandre le bruit de ma mort, & nous nous rendrons en Ecosse où il est vraisemblable que votre père vous permettra de m’épouser.

Philips se jetta à mes pieds, me conjura de différer, d’examiner, de craindre les regrets. Non, lui répondis-je, tout est examiné. Eh ! que pourrai-je regretter ? quels plaisirs me donnent mes richesses, que ne puisse remplacer la nature dans l’aisance de votre état ? Le spectacle d’un côteau riant & fertile réjouit plus la vue qu’un mur chargé de tableaux ; les diamants dans ma tête me pareront moins que les fleurs ; la toile de l’Inde m’habillera aussi-bien que le Pekin ; je perdrai mon carrosse, mais j’exercerai mes jambes ; Philips, nous aurons les commodités que demande la nature, & rien du superflu qui ne peut amuser que l’oisiveté. Quant à mes liaisons & à mes connoissances, pourrai-je les regretter lorsque je serai la fille de votre père & la mère de vos enfants ?

Philips m’aimoit trop, m’estimoit trop, il se rendoit trop de justice à lui-même pour douter plus long-tems que je ne fusse heureuse dans le