Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/310

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Poésie anime ce qu’elle sçait peindre : l’enthousiasme du Poëte ajoute toujours quelque chose à l’enthousiasme du spectateur ; il l’empêche même de s’éteindre par l’habitude. La Poésie nous inspire le respect & l’amour pour l’antique & vénérable agriculture, pour nos occupations, pour les lieux que nous habitons. Nous nous disons quelquefois : Homere & Virgile auroient été heureux ici ; Tibulle y aimeroit Delie; il la chanteroit & il chanteroit aussi notre petit bois de hêtre & notre joli vallon. C’est aux champs que Haller & Gesner ont composé leurs Poésies aimables ; & quel état de la vie ces grands hommes ont-ils préféré au nôtre ? quelles mœurs ont-ils comparées aux mœurs champêtres ? Les Poëtes nous arrêtent sur les sensations délicieuses que nous recevons de la nature : ils nous apprennent même à jouïr d’un grand nombre de ces sensations qui auroient à peine affecté nos organes & qui auroient échappé à la pensée. Tous ces hommes, qui ont parlé avec chaleur & dans lesquels abondent le sentiment & les images, entretiennent dans l’ame le charme de la sensibilité & la vie; enfin, nous avons raisonné & simplifié le bonheur : nous avons mis toute notre étude à conserver