Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/338

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compagne sur le trône, tu seras du moins ma compagne jusqu’à la mort. Ah ! Ziméo, me répondit-elle, peut-être que le grand Orissa nous conservera la vie, & je serai ton épouse. Ellaroé, lui dis-je, si ces monstres ne nous avoient pas enlevés, le Damel t’auroit choisie pour mon épouse, comme ton père m’avoit choisi pour ton époux. Il est vrai, dit-elle. O ma chère Ellaroé, dépendons-nous encore des loix du Damel & attendrons-nous ses ordres que nous ne pouvons recevoir ? Non, non, loin de nos parents, arrachés à notre patrie, nous ne devons obéir qu’à nos cœurs. O Ziméo, s’écria-t-elle en couvrant mon visage de ses larmes ! Ellaroé, lui dis-je, tu pleures dans ce moment, tu n’aimes pas assez. Ah ! me dit-elle, vois à la clarté de la lune cette mer qui ne change plus ; jette les yeux sur les voiles du vaisseau ; vois comme elles sont sans mouvement ; vois sur le tillac les traces du sang de mes deux amies ; vois le peu qui nous reste de ces dattes ? Eh bien ! Ziméo, sois mon époux & je suis contente.

En me disant ces mots, elle redoubla ses baisers. Nous jurâmes, en présence du grand Orissa, d’être unis quelle que fût notre destinée, & nous