Aller au contenu

Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

accueillant les voyageurs comme des amis. On apporta un énorme gigot, parfumé et cuit à point, d’où le jus coulait comme d’une fontaine ; l’hôte le découpa avec art et servit les convives de la meilleure grâce du monde. On ne mangeait jamais assez à son gré.

— Mais voyez donc cette petite tranche, vous disait-il, comme elle a bonne mine ! Vous ne pouvez pas la refuser.

Et il fallait s’exécuter.

J’avais un bras de mer à traverser et ne savais comment faire.

— Justement, me dit l’hôte, un bateau part demain ; le capitaine consentira sans doute à vous prendre.

Le lendemain matin, j’allai voir le bateau qui était assez grand, ponté, à deux mâts, ayant trois hommes d’équipage sans compter le capitaine, un tout jeune homme presque imberbe, brun et trapu, avec de grands yeux bleus dont la douceur n’excluait pas l’énergie. Il était d’une politesse et d’une réserve extrêmes, et me prit à son bord sans difficulté. Quand la direction du bateau fut bien déterminée, sa marche assurée, le capitaine disparut dans une écoutille ; je crus qu’il allait dormir.

Quelques minutes après, un son fin, agreste, résonna dans les flancs du navire. Le capitaine jouait du hautbois ! Pendant toute la traversée, il joua les airs de son pays, ces airs d’un caractère si sauvage à la fois et si charmeur, qui reposent