Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/213

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jeunes compositeurs l’ont toujours en vue ; s’ils écrivent pour les concerts, au lieu d’œuvres réellement symphoniques ; ce sont trop souvent des fragments scéniques qu’ils nous donnent, des marches, des fêtes, des danses et des cortèges à travers lesquels on entrevoit, au lieu du rêve idéal de la symphonie, la réalité très positive de la rampe. Les fragments d’opéras sont devenus la première attraction des concerts, comme s’il n’y avait pas, dans la musique de concert proprement dite, un aliment suffisant pour l’appétit des amateurs.

Or, il y a tout un monde.

Haydn a écrit cent dix-huit symphonies ; la collection complète, en copies très correctes, est à la bibliothèque de notre Conservatoire. Beaucoup d’entre elles ne sont que de simples divertissements, écrits au jour le jour, pour les petits concerts quotidiens du prince Esterhazy ; mettons que le quart mérite d’être exécuté : cela fait encore un joli chiffre. En tout cas, les magnifiques et célèbres symphonies qu’Haydn écrivit à Londres, pour les concerts de Salomon, ont un droit incontestable à la lumière du jour. Haydn est le père de la musique instrumentale moderne ; qui ne connaît pas son œuvre ne saurait se mettre à un juste point de vue pour juger les œuvres actuelles ; dans ses deux oratorios, la Création, les Saisons, il a déployé une fertilité d’invention, une richesse de coloris qui tiennent du prodige, et de tels effets dont nos amateurs attribuent l’invention à Mendelssohn