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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/229

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«…Ces génies qu’on ne dépasse pas, on peut les égaler.

« Comment ?

« En étant autre. »

L’exégèse wagnérienne part d’un principe tout différent.

Pour elle, Richard Wagner n’est pas seulement un génie, c’est un Messie ; le Drame, la Musique étaient jusqu’à lui dans l’enfance et préparaient son avènement ; les plus grands musiciens, Sébastien Bach, Mozart, Beethoven, n’étaient que des précurseurs. Il n’y a plus rien à faire en dehors de la voie qu’il a tracée, car il est la voie, la vérité et la vie ; il a révélé au monde l’évangile de l’Art parfait.

Dès lors il ne saurait plus être question de critique, mais de prosélytisme et d’apostolat ; et l’on s’explique aisément ce recommencement perpétuel, cette prédication que rien ne saurait lasser. Le Christ, Bouddha sont morts depuis longtemps, et l’on commente toujours leur doctrine, on écrit encore leur vie ; cela, durera autant que leur culte.

Mais si, comme nous le croyons, le principe manque de justesse ; si Richard Wagner ne peut être qu’un grand génie comme Dante, comme Shakespeare (on peut s’en contenter), la fausseté du principe devra réagir sur les conséquences ; et il est assez naturel dans ce cas de voir les commentateurs s’aventurer parfois en des raisonnements, incompréhensibles, sources de déductions délirantes.