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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/239

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posant on rivale de son ancienne dominatrice. Depuis cette révolution dont Beethoven fut le héros, les deux puissances n’ont pas cessé de lutter sans relâche, chacune ayant son domaine, l’opéra et l’oratorio pour celle-ci, le concert symphonique et la musique de chambre pour celle-là. Il y eut d’âpres combats. Puis la défection se mit de côté et d’autre dans les troupes, les combattants se mêlèrent peu à peu, si bien qu’en ce moment la confusion est partout ; on se donne bien, à tâtons, quelques horions, mais le public ne paraît plus s’y intéresser ; il court de l’opérette à la symphonie, du drame wagnérien à l’opéra vieux-jeu, des chefs d’orchestre allemands aux chanteurs italiens. Cet éclectisme bizarre a eu pour résultat de délivrer les compositeurs de toute espèce de tutelle ; c’est pour eux la liberté absolue avec ses avantages et ses périls : ceux-ci sont nombreux.

Car, il faut le dire, le goût du public, bon ou mauvais, est un guide précieux pour l’artiste, et celui-ci, quand il a du génie — ou simplement du talent — trouve toujours moyen de bien faire en s’y conformant. C’est une idée absolument nouvelle de vouloir que l’artiste, ne consulte en tout que sa volonté, n’obéisse qu’à son caprice. Le mal n’est pas grand pour les génies : ils en sont quittes pour exiger parfois de leurs exécutants ou de leurs auditeurs des efforts dépassant ce que la faible nature humaine peut supporter. Mais les autres ! ceux qui marcheraient bien avec l’aide d’un bras où