Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/240

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d’un bâton, et qui s’aperçoivent avec terreur qu’il leur faut voler, comme s’ils avaient des ailes ! et ils n’avouent pas, ils n’avoueront jamais, les malheureux, leur déroutante situation. Ils s’élancent, ils procèdent par bonds désordonnés et culbutes lamentables ; et ce sont de précieuses forces perdues, trop souvent de jolies natures qui s’égarent, se perdent en des fondrières d’où, elles ne sortirent plus. Figurez-vous Marivaux cherchant a singer Shakespeare : il n’eût rien fait de bon, et nous n’aurions pas les Fausses Confidences.

Dans un empire musical bien ordonné, le théâtre et le concert devraient être deux royaumes parfaitement distincts, de mœurs tranchées comme ils sont d’habitudes diverses, on pourrait presque dire de climats différents. Reine au concert où tout est disposé pour sa gloire, la musique n’est au théâtre qu’un des éléments d’un ensemble : elle y est souvent vassale, parfois esclave. Elle se vengeait autrefois de ces humiliations par l’ouverture, intrusion du concert dans le monde du théâtre, l’ouverture ambitieuse, longuement développée, séparée du reste de l’ouvrage comme un arc de triomphe devant la porte d’une ville. L’ouverture ainsi comprise tend à disparaître depuis que la symphonie,