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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/256

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de la rattacher. Ah ! cette libération ! l’ai-je assez appelée de tous mes vœux ! je n’avais pas quinze ans que je m’en préoccupais déjà, me demandant pourquoi les opéras se divisaient en morceaux, et non pas en scènes, comme les tragédies ; pourquoi toujours ces morceaux coulés dans le même moule, ces insupportables « reprises du motif » séparées par des « milieux », ces coupes invariables appliquées à toutes les situations, cette assommante monotonie. On est délivré, c’est fini, nous sommes libres ! — libres ? c’est une question. A l’obligation d’écrire des airs, des duos, des ensembles, a succédé l’interdiction ; il n’est plus permis de chanter dans les opéras, et, à ce jeu, le bel art du Chant s’étiole et tend à disparaître ; encore quelques pas, et nous serons revenus à ce fameux urlo francese qu’on nous reprochait au siècle dernier. N’est-ce pas excessif, et ne saurait-on sortir d’un esclavage que pour retomber dans un autre ? « Qu’on puisse aller même à la Messe », disait Béranger. Qu’on puisse écrire même un air, dirai-je à mon tour, fût-il à roulades et à « cocottes », comme celui de la Reine de la Nuit dans la Flûte Enchantée, s’il est, comme lui, un chef-d’œuvre ! C’est une chose fort difficile à faire qu’un bel air, et fort difficile à chanter. On arrive aisément, dans ce genre, au poncif et à la formule, je le sais ; mais croyez-vous qu’on n’y arrive pas aussi dans le genre déclamé ? On y arrive tout aussi vite, et la monotonie, pour avoir changé de genre, n’en est pas pour cela