Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/26

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lement surhumains. S’il y a, dans toute musique neuve et originale, des difficultés impossibles à éviter, il en est d’autres qu’on peut épargner aux exécutants, sans dommage pour l’œuvre ; mais Berlioz n’entrait pas dans ces détails. Je lui ai vu faire vingt, trente répétitions pour une seule œuvre, s’arrachant les cheveux, brisant les bâtons et les pupitres, sans obtenir le résultat désiré. Les pauvres musiciens faisaient pourtant ce qu’ils pouvaient ; mais la tâche était au-dessus de leurs forces. Il a fallu qu’avec le temps nos orchestres devinssent plus habiles pour que cette musique arrivât enfin à l’oreille du public.

Deux choses avaient affligé sérieusement Berlioz : l’hostilité de l’Opéra, préférant aux Troyens le Roméo de Bellini, qui tomba à plat ; la froideur de la Société des concerts à son égard. On en connaît la cause, depuis la publication du livre de Deldevez sur l’histoire de la Société ; c’est à l’influence de ses chefs qu’elle était due. Influence légitime d’ailleurs pour Deldevez, musicien sérieux et érudit, ayant tous les droits à une grande autorité. Peut-être ne comprenait-il bien que la musique classique, la seule qu’il eût profondément étudiée ; peut-être son antipathie pour la musique de Berlioz était-elle purement instinctive.

C’était bien pis encore avec son prédécesseur Girard, musicien très inférieur à Deldevez, chef d’orchestre dont la direction beaucoup trop vantée avait introduit dans les exécutions une foule de