Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/27

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mauvaises habitudes, dont la direction suivante les a heureusement débarrassées. Une petite anecdote fera juger de la nature de son esprit, de la largeur de ses vues. Il me mande, un jour, qu’il désirait mettre au programme une de mes œuvres, et me fait prier d’aller le voir. J’accours, et j’apprends, dès les premiers mots, qu’il a changé d’idée ; à cela je n’avais rien à objecter, étant alors un jeune blanc-bec sans importance. Girard profita de la circonstance pour me faire un cours de morale musicale et pour me dire, entre autres choses, qu’il ne fallait pas employer les trombones dans une symphonie : « Mais, lui répondis-je timidement, il me semble que Beethoven, dans la Symphonie pastorale, dans la Symphonie en Ut mineur….. — Oui, me dit-il, c’est vrai ; mais il aurait peut-être mieux fait de ne pas le faire. » On comprend, avec de tels principes, ce qu’il devait penser de la Symphonie fantastique.

On sait que cet esprit rétrograde a tout à fait disparue de la rue Bergère, où Berlioz est maintenant en grand honneur, et que l’illustre Société a sur entrer dans le courant moderne sans rien perdre de ses rares qualités.

La faveur du public commençait à venir à Berlioz dans les dernières années de sa vie, et l’Enfance du Christ, par sa simplicité et sa suavité, avait combattu victorieusement le préjugé qui ne voulait voir en lui qu’un faiseur de bruit, un organisateur de charivaris. Il n’est pas mort, comme on l’a dit, de l’injustice des hommes, mais d’une gastralgie causée