Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/30

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Que voulez-vous ? Janin était gras et Berlioz était maigre ; il n’en fallait pas davantage pour que le premier passât pour de bon et le second pour méchant. A quel sentiment le célèbre critique a-t-il obéi en publiant cette révélation tardive ? A un remord de conscience ? à un besoin d’étaler son crime au grand jour, pour en mieux jouir ?…

On a reproché à Berlioz son peu d’amour pour les hommes, avoué par lui-même dans ses Mémoires ; il est en cela de la famille d’Horace qui a dit : Odi profanum vulgus ; de La Fontaine qui a écrit :

   « Que j’ai toujours haï les pensers du vulgaire ! »

Avec sa nature supérieure, il ne pouvait aimer la vulgarité, la grossièreté, la férocité, l’égoïsme qui jouent un rôle si considérable dans le monde et dont il avait été si souvent victime. On doit aimer l’humanité dont on fait partie, travailler si l’on peut à son amélioration, aider au progrès ; c’est ce que Berlioz, dans sa sphère d’activité, a fait autant que personne en ouvrant à l’art des voies nouvelles, en prêchant toute sa vie l’amour du beau et le culte des chefs-d’œuvre. On n’a rien de plus à lui demander ; le reste n’est pas le fait d’un artiste, mais d’un saint.