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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/71

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adaptation du Médecin malgré lui est faite avec beaucoup de goût et la musique atteint au chef-d’œuvre. Quelle joie pour moi de retrouver mon cher maître, non seulement en pleine possession de toutes les qualités qui m’avaient séduit naguère, mais grandi encore, ayant ramassé la plume de Mozart pour dessiner un orchestre pittoresque et sobre à la fois, où le style d’allure ancienne se colore de sonorités discrètement modernes, pour la joie de l’oreille et de l’esprit !

On avait choisi pour le jour de la première représentation celui de l’anniversaire de la naissance de Molière (15 janvier) : la dernière scène achevée, la toile de fond disparut dans les frises, et Mme Carvalho, vêtue en Muse, chanta sur la belle phrase qui clôt le finale du premier acte de Sapho, transposée d’un demi-ton plus haut, des strophes à Molière dont elle couronna le buste, entourée de toute la troupe du Théâtre-Lyrique. La soirée fut triomphale : on avait applaudi, on avait ri ; Gounod avait su faire accepter, à force de mesure et d’esprit, les plaisanteries musicales les plus salées. Le succès, pourtant, fut éphémère, et les différentes reprises de ce délicieux ouvrage n’ont pas été plus heureuses ; il n’a jamais « fait d’argent », comme on dit couramment avec tant d’élégance. La raison en est bizarre : c’est le dialogue de Molière qui effarouche le public. Ce même public, cependant, ne s’en effarouche pas à la Comédie-Française, et s’étouffe à des opérettes dont le sujet