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V

Ceci étant une vue d’ensemble et non une analyse détaillée des œuvres de Gounod, nous glisserons, si vous le permettez, sur Roméo et Juliette, nous bornant à constater que le triomphe de la première heure, qui avait manqué à Faust, ne fit pas défaut à Roméo ; ce fut dès l’abord un entraînement, un délire. Si Faust est plus complet, il faut convenir que nulle part le charme particulier à l’auteur n’est aussi pénétrant que dans Roméo. L’époque de son apparition marque l’apogée de l’influence de Gounod ; toutes les femmes chantaient ses mélodies, tous les jeunes compositeurs imitaient son style.

Quelque temps avant, il avait passé à côté du grand succès avec Mireille, ouvrage mal accueilli d’abord, qui s’est relevé depuis, mais défiguré par des modifications, des mutilations de toute sorte. Je n’ai jamais pu y songer sans tristesse, ayant connu dans son intégrité la partition primitive dont l’auteur m’avait fait entendre successivement tous les morceaux, et qu’il fit connaître en entier, dès qu’elle fut achevée, à quelques intimes, avec le précieux concours de Mme la vicomtesse de Grandval ; Georges Bizet et moi, sur un piano et un harmonium, remplacions l’orchestre absent. L’effet de cette audition fut profond et le succès ne fit