Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/84

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glissant sur l’eau du fleuve, les trépassés faisaient entendre des bruits fâcheux, des couics ridicules. L’issue de la soirée ne fut pas douteuse : c’était un désastre. L’œuvre méconnue n’a jamais depuis retrouvé son aplomb ; on a coupé de-ci de-là, on a changé le dénouement, tantôt supprimé, tantôt, rétabli la scène fantastique, fondu le petit rôle de Vincenette dans celui de Taven la sorcière ; jamais je n’ai retrouvé cette impression d’une œuvre achevée, complète, qui m’avait tant séduit chez l’auteur.

Habent sua fata… les pièces de théâtre comme les livres !

Au nombre des œuvres marquées d’un signe fatal par le Destin, il faut ranger ce Polyeucte dont Gounod voulait faire l’œuvre capitale de sa vie et qui ne lui a causé que des déceptions. Il avait trouvé dans Mme Gabrielle Krauss une admirable Pauline, mais il ne rencontra jamais le Polyeucte qu’il avait rêvé ; Faure seul était capable de réaliser un tel idéal, et Faure, baryton, ne pouvait chanter un rôle de ténor. On sait qu’Ambroise Thomas eut le courage de refondre sa partition d’Hamlet pour adapter le rôle principal aux moyens de l’incomparable artiste. Gounod, à qui la même transformation fut proposée, ne put s’y résigner.

La première fois qu’il me fit entendre un fragment de Polyeucte, ce fut le chœur des païens, chanté dans la coulisse, et la barcarolle qui le suit. «