Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/88

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flamand, ne sauraient se plaire en sa compagnie ; elle n’est pas faite pour eux, nourris qu’ils sont de protestantisme par Sébastien Bach et incapables de savourer le goût tout spécial du catholicisme, en dépit de leur culte artificiel pour Palestrina, sorte de paléontologie musicale. On serait malvenu à leur dire que le style de Sébastien Bach, en pleine floraison dans ses cantates allemandes, dans les Passions, ne saurait s’harmoniser avec les textes latins, et que sa fameuse Messe en Si mineur, en dépit de ses splendeurs musicales et des efforts de l’auteur pour modifier sa manière, n’est pas une messe : ils ne pourraient le comprendre et crieraient au sacrilège. Aussi n’essaierai-je pas de les convaincre ; ce serait imiter les jongleurs japonais, lorsqu’ils donnent au public européen, dans leur langue maternelle, le programme de leurs exercices…

Gounod n’a pas cessé toute sa vie d’écrire pour l’église, d’accumuler les messes et les motets ; mais c’est au commencement de sa carrière, dans la Messe de Sainte-Cécile et à la fin, dans les oratorios Rédemption et Mors et Vita, qu’il s’est élevé le plus haut.

L’apparition de la Messe de Sainte-Cécile, à l’église Saint-Eustache, causa une sorte de stupeur. Cette simplicité, cette grandeur, cette lumière sereine qui se levait sur le monde musical comme une aurore, gênaient bien des gens ; on sentait l’approche d’un génie et, comme chacun sait, cette approche est généralement mal accueillie.