Page:Saint-Simon - Œuvres, vol. 4-5.djvu/65

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pétuelle, conçu par Henri IV et développé par l’abbé de Saint-Pierre a-t-il été traité d’utopie ? C’est uniquement parce que, tout en le trouvant impraticable, on ne sentait pas et on n’était pas en état d’indiquer en quoi consistait le vice de la combinaison proposée par ces deux publicistes[1]. Et pourquoi ne le pouvait-on pas ? Parce que l’on ne considérait point la grande série des observations historiques, qui eut montré d’abord, jusqu’à l’évidence, qu’il était absurde de vouloir faire maintenir la paix par des pouvoirs d’une nature toute militaire et constamment militaire depuis leur origine ; et, en second lieu, qu’un tel projet ne deviendrait praticable qu’à l’époque

  1. On sera certainement surpris de me voir employer l’expression de publiciste en parlant de Henri IV, mais il n’en est pas de plus juste pour rendre ma pensée sur ce grand homme. Considérons que dans ce siècle si peu éclairé, et malgré l’influence du trône, il songea nettement à une organisation sociale, fondée sur des principes vraiment libéraux, ce qui est prouvé par le vœu de la poule au pot, quant à la politique intérieure, et, quant à la politique extérieure, par le projet de paix perpétuelle.

    Un tel homme a mérité sans doute le titre de publiciste ; c’est à ce titre, et non comme preneur de villes et donneur de batailles, que Henri IV doit obtenir l’estime et la vénération de tous les siècles ; c’est sous ces traits qu’il devrait être gravé dans nos souvenirs et représenté dans nos monuments nationaux, au lieu d’y figurer l’épée à la main, couvert de son armure et monté sur son cheval de bataille.