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[1693]
OBÉISSANCE DES MARÉCHAUX.

avec des troupes en divers lieux, le maréchal d’Humières sous lui et le duc de Chaulnes gouverneur de Bretagne, qui y étoit, le maréchal d’Estrées commandant d’Aunis, Saintonge et Poitou, et le maréchal de Bellefonds en Normandie à ses ordres. M. le duc de Chartres eut le commandement de la cavalerie dans l’armée de M. de Luxembourg où M. le Duc et M. le prince de Conti servirent de lieutenants généraux. M. du Maine en servit en celle de M. de Boufflers que le roi commandoit, et fut en même temps à la tête de la cavalerie ; ce qui exclut le comte d’Auvergne de servir, qui en étoit colonel général.

Il fut nouveau de voir des maréchaux de France obéir à d’autres. L’inconvénient du commandement égal tour à tour avoit été souvent funeste. C’est ce qui donna lieu à la faveur de M. de Turenne, jointe à sa grande réputation, de renouveler pour lui la charge de maréchal général des camps et armées de France, pour le faire commander aux maréchaux de France, et qui encore ne s’y soumirent qu’après l’exil de MM. de Bellefonds, Humières et Créqui, et c’est depuis cette époque de charge, que M. de Turenne, confondant avec art son nouvel état avec son rang de prince, ôta les bâtons de ses armes et ne voulut plus être appelé que le vicomte de Turenne. Enfin le roi régla, pour l’utilité de son service, que les maréchaux de France s’obéiroient les uns aux autres par ancienneté, tellement que ces maréchaux en second n’étoient proprement à l’armée que des lieutenants généraux qui ne rouloient point avec les autres et qui les commandoient, qui ne prenoient point jour et qui avoient les mêmes honneurs militaires que le général de l’armée, mais qui prenoient l’ordre de lui et ne se mêloient de rien que sous ses ordres et par ses ordres, et duquel ils étoient même fort rarement consultés, et point du tout du secret de la campagne.

Ce même jour, 3 mai, sur les dix heures du soir, j’eus le malheur de perdre mon père. Il avoit quatre-vingt-sept ans, et ne s’étoit jamais bien rétabli d’une grande maladie, qu’il