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MORT DE MON PÈRE.




CHAPITRE VI.


Départ subit du roi pour Versailles, et de Monseigneur avec le maréchal de Boufflers pour le Rhin. — Monsieur sur les côtes. — Tilly défait. — Huy rendu au maréchal de Villeroy. — Bataille de Neerwinden.


Après avoir rendu les derniers devoirs à mon père, je m’en allai à Mons joindre le Royal-Roussillon cavalerie, où j’étois capitaine. Montfort, gentilhomme du pays du Maine, en étoit mestre de camp, qui étoit un officier de distinction, et brigadier, et qui fut mis à la tête de tous les carabiniers de l’armée, dont on faisoit toujours une brigade à part avant qu’on en eût fait un corps pour M. du Maine. Puyrobert, gentilhomme d’Angoumois, voisin de Ruffec, en étoit lieutenant-colonel, et d’Achy, du nom de Courvoisin fort connu en Picardie, y étoit capitaine avec commandement de mestre de camp, après en avoir été lieutenant-colonel. On ne sauroit trois plus honnêtes gens ni plus différents qu’ils l’étoient. Le premier étoit le meilleur homme du monde, le troisième très-vif et très-pétulant ; le second d’excellente compagnie ; le premier et le dernier surtout avec de l’esprit. Le major étoit frère de Montfort, et d’ailleurs le régiment bien composé ; ils étoient lors, tant les royaux que plusieurs gris à douze compagnies de cinquante cavaliers, faisant quatre escadrons. On ne peut être mieux avec eux tous que j’y fus, et c’étoit à qui me préviendroit de plus d’honnêtetés et de déférence, à quoi je répondis de manière à me les faire continuer, de manière que d’Achy, qui commanda le régiment par l’absence de Montfort et qui étoit aux couteaux