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[1693]
HUY RENDU À VILLEROY.

droits avec chacun un détachement ; et Sanguinet, pour s’être trop pressé, fut culbuté et tué, et le duc de Montfort, qui étoit avec lui et le détachement des chevau-légers, fut très-dangereusement blessé de six coups de sabre, dont il fut et demeura balafré. Thianges, qui étoit accouru volontaire, y fut dangereusement blessé par les nôtres, qui, par son habit toujours bizarre, le prirent pour être des ennemis. Ils furent enfoncés et mis tellement en fuite, qu’on ne put presque faire de prisonniers.

Le maréchal de Villeroy alla ensuite prendre Huy avec un gros détachement de l’armée, que le reste couvrit avec M. de Luxembourg. Tout fut pris en trois jours ; on n’y perdit qu’un sous-ingénieur et quelques soldats. J’en vis sortir une assez mauvaise garnison de diverses troupes ; elle passa devant le maréchal de Villeroy, et fut fort inquiétée par nos officiers qui eurent, par la capitulation, la liberté de rechercher leurs déserteurs. Je visitai la place où on mit un commandant aux ordres de Guiscard, gouverneur de Namur. L’armée réunie fit ensuite quelques camps de passage, et prit enfin celui de Lexhy, à trois lieues de Liège. En arrivant, on commanda à l’ordre quantité de fascines par bataillon ; ce qui fit croire qu’on alloit marcher aux lignes de Liège. Cette opinion dura tout le lendemain ; mais le jour suivant, 28 juillet, il y eut, dans la fin de la nuit, ordre de les brûler et de se tenir prêts à marcher. L’armée, en effet, se mit en mouvement de grand matin pour grande chaleur, et vint passer le défilé de Warem, au débouché duquel elle fit halte.

Pendant ce temps-là je gagnai une grange voisine avec force officiers du Royal-Roussillon et quelques autres de la brigade, pour manger un morceau à l’abri du soleil. Comme nous finissions ce repas, arriva Boissieux, cornette de ma compagnie, qui revenoit de dehors avec Lefèvre, capitaine dans notre régiment, qui de gardeur de cochons étoit parvenu là à force de mérite et de grades, et qui ne savoit en-