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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/169

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que le combat commença, M. Catinat s’aperçut que le dessein de M. de Savoie étoit tout sur sa gauche. Il y porta la gendarmerie et encore d’autres troupes qui n’y étoient pas attendues, et qui non seulement soutinrent tout l’effort que les ennemis espéroient imprévu, mais qui les renversèrent. Mais ce désordre se rétablit, et cette droite ennemie fit bien mieux que leur gauche, qui fut enfoncée : à la fin la victoire fut si complète, que la retraite des ennemis devint une fuite, et que M. de Savoie fut poursuivi jusqu’à la vue de Turin. M. Catinat avoit soixante-quinze escadrons et quarante-huit bataillons, et M. de Savoie quatre-vingts escadrons et quarante-cinq bataillons. Ceux des religionnaires françois ont combattu en désespérés et s’y sont presque tous fait tuer.

Caprara et Louvigny ne vouloient point que M. de Savoie donnât la bataille ; mais il s’y est opiniâtré, en fureur d’avoir vu brûler sa belle maison de la Verrerie par Buchevilliers deux jours auparavant. Le roi l’avoit très expressément ordonné, en représailles des feux que M. de Savoie avoit faits en Dauphiné et tout nouvellement dans la vallée de Pragelus, sans même pardonner aux églises. Nous y avons perdu La Hoguette, lieutenant général et très-bon, force officiers de gendarmerie, entre autres le chevalier de Druy, major fort au goût du roi, et quelques brigadiers et colonels. Les ennemis conviennent de la perte de douze mille hommes, dont deux mille prisonniers. Ce qui est resté de troupes espagnoles se retira dans le duché de Milan.

Le roi envoya Chamlay concerter avec le maréchal Catinat : c’étoit son homme de confiance de tout temps pour toutes les affaires de la guerre, et celui de M. de Louvois ; il le méritoit par sa capacité et son secret ; bon citoyen, la modestie et la simplicité même, avec beaucoup d’honneur et de probité ; d’ailleurs homme de fort peu et qui ne s’en cachoit pas. En partant, le roi le fit grand-croix de Saint-Louis à la place de Montchevreuil, tué à Neerwinden. Le duc de Schomberg