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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/175

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dauphine de Bavière où toute la cour lui faisoit merveilles, parce que de temps en temps elle venoit à Versailles, où elle causoit toujours avec le roi en particulier, qui avoit conservé beaucoup de considération pour elle. Son fils, qui s’étoit fait appeler le baron de Beauvois, avoit la capitainerie des plaines d’autour de Paris. Il avoit été élevé, au subalterne près, avec le roi ; il avoit été de ses ballets et de ses parties, et galant, hardi, bien fait, soutenu par sa mère et par un goût personnel du roi, il avoit tenu son coin, mêlé avec l’élite de la cour, et depuis traité du roi toute sa vie avec une distinction qui le faisoit craindre et rechercher. Il étoit fin courtisan et gâté, mais ami à rompre des glaces auprès du roi avec succès, et ennemi de même ; d’ailleurs honnête homme et toutefois respectueux avec les seigneurs. Je l’ai vu encore donner les modes.

Fromenteau se fit entretenir par la Beauvois, et elle le présentoit à tout ce qui venoit chez elle, qui là et ailleurs, pour lui plaire, faisoit accueil au godelureau. Peu à peu elle le fit entrer chez la reine mère, puis chez le roi, et il devint courtisan par cette protection. De là il s’insinua chez les ministres. Il montra de la valeur volontaire à la guerre, et enfin il fut employé auprès de quelques princes d’Allemagne. Peu à peu il s’éleva jusqu’au caractère d’ambassadeur en Danemark, et il alla après ambassadeur en Espagne. Partout on en fut content, et le roi lui donna une des trois places de conseiller d’État d’épée, et, au scandale de sa cour, le fit chevalier de l’ordre en 1688. Vingt ans auparavant il avoit épousé la fille de Saint-Mégrin dont j’ai parlé ci-devant à propos du voyage qu’il fit à Blaye de la part de la cour, pendant les guerres de Bordeaux, auprès de mon père ; ainsi je n’ai pas besoin de répéter qui elle étoit, sinon qu’elle étoit veuve avec un fils de M. du Broutay, du nom de Quelen, et que cette femme étoit la laideur même. Par ce mariage, Fromenteau s’étoit seigneurifié et avoit pris le nom de comte de La Vauguyon. Tant que les ambassades durèrent et que le