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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/210

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beaucoup de choses très-importantes pour l’intelligence et la décision de l’affaire, très-nettement exposés, et dont aucun n’avoit encore paru. La gravité et la réputation de M. de Chaulnes ajouta beaucoup au poids de cette raillerie, qui embarrassa extrêmement le procureur général ; il voulut se jeter dans les excuses ; mais M. de Chaulnes, qui sourioit de le voir balbutiant, l’assura que ce n’étoit pas à lui qu’il les falloit faire, mais à MM. de La Trémoille et de La Rochefoucauld qui, à ce qu’il s’étoit laissé dire, n’étoient pas tout à fait tant ses serviteurs que lui.

J’ai mis le procureur général et ses conclusions ainsi données en écolier, à la suite de ce que j’ai cru devoir faire connoître du premier président, de M.Talon, et de tout ce qui se rallioit pour M. de Luxembourg, afin de montrer une fois pour toutes à qui nous eûmes affaire, et l’inégalité de la partie en même temps. Avant d’aller plus loin, il faut dire comment j’y entrai et comment je m’en démêlai.

On peut juger qu’à mon âge, et fils d’un père de la cour du feu roi, et d’une mère qui n’avoit connu que les devoirs domestiques, et sans aucuns proches, je n’étois en aucun commerce avec pas un de ceux que M. de Luxembourg attaquoit. Eux qui se vouloient réunir le plus en nombre qu’ils pourroient,comptant peu sur de certains ducs, et désertés par MM. de Chevreuse et de Bouillon, n’en voulurent négliger aucun, parce que chacun a ses amis et sa bourse, pour les frais qui se faisoient en commun. M. de La Trémoille m’aborda donc chez le roi et me dit que lui et plusieurs autres qu’il me nomma étoient attaqués par M. de Luxembourg en préséance, par la reprise d’un ancien procès, où mon père avoit été partie avec eux, qu’ils espéroient que je ne les abandonnerois pas dans cette affaire, quoique M. de Luxembourg fût mon général ; qu’ils l’avoient chargé de m’en parler, et ajouta du sien les compliments convenables. C’étoit dans tous les premiers commencements de cette reprise, et assez peu depuis mon retour de l’armée. J’ignorois donc