Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/235

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venoit d’en obtenir cinquante mille d’augmentation. Il étoit trop bon courtisan pour ne pas saisir une si sensible occasion de plaire, et trop habile pour n’en pas tirer tous ses avantages, et pour soi, et pour les usurpations de sa compagnie sur les pairs, en leur donnant les bâtards pour protecteurs par leur intérêt. Il pria donc le roi de trouver bon qu’il pensât quelques jours à une solide exécution de ses ordres, et qu’il pût en conférer avec celui principalement qu’ils regardoient. C’est ce qu’il avoit grand intérêt de lui faire goûter, et par lui au roi, l’adroit parti qu’il se proposoit d’en tirer pour les usurpations du parlement et de s’en faire à soi-même un protecteur, à tirer sur le temps pour le conduire à son but personnel.

Il fit donc entendre à M. du Maine qu’il ne feroit jamais rien de solide qu’en mettant les princes du sang hors d’intérêt et en leur en donnant un de soutenir ce qui seroit fait en sa faveur ; que pour cela il falloit toujours laisser une différence entière entre les distinctions que le parlement faisoit aux princes du sang et celles qu’on lui accorderoit au-dessus des pairs, et former ainsi un rang intermédiaire qui ne blessât point les princes du sang, et qui au contraire les engageât à les maintenir dans tous les temps, par l’intérêt de se conserver un entre-deux entre eux et les pairs ; que pour cela il falloit lui donner la préséance sur tous les pairs, et les forcer à se trouver à l’enregistrement de la déclaration projetée et à sa réception en conséquence qui se devoit faire tout de suite, lui donner le bonnet comme aux princes du sang qui depuis longtemps ne l’est plus aux pairs, mais lui faire prêter le même serment des pairs sans aucune différence de la forme et du cérémonial, pour en laisser une entière à l’avantage des princes du sang qui n’en prêtent point, et pareillement le faire entrer et sortir

    aux héritiers ou aux créanciers du titulaire. C’était une véritable pension de retraite que le roi assurait aux principaux fonctionnaires et à leur famille et qui devait être payée par leur successeur.