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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/244

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de toutes les chambres, surtout de ne rien oublier pour tirer le procès en longueur, suivant nos précédentes résolutions. On peut juger du bruit, des plaintes et des discours qui, de notre part, suivit ce manquement de parole, contre un homme sur lequel aucune considération ne pouvoit plus nous retenir, et contre lequel nous ne pouvions plus employer d’autres armes. Aussi en fut-il d’autant plus outré, qu’il voyoit sa réputation s’en aller en pièces, et qu’il n’avoit quoi que ce soit à opposer aux faits que nous publiions, et qu’il étoit bien loin d’être accoutumé à un éclat si soutenu, et qui ne ménageoit pas plus les termes que les choses.

Pour en venir à sa récusation, voici ce dont on s’avisa ce fut de mettre en procès le duc de Rohan avec l’avocat général, fils unique du premier président, parce que la maxime reçue est que, qui est en procès avec le fils, ne peut être jugé par le père. Cet avocat général avoit épousé une riche héritière de Bretagne, dont deux belles terres relevoient du duc de Rohan. Il fut donc prié d’en vouloir bien faire demander le dénombrement, et d’ordonner à ses baillis de former un procès bon ou mauvais à l’avocat général, pourvu que c’en fût un, et il le promit de bonne grâce ; mais, comme ses réflexions sont plus lentes que ses décisions, je pense qu’il se repentit bientôt de l’engagement qu’il avoit pris ; on s’en douta bientôt et on le pressa d’engager quelques procédures dont il ne se put défendre. Le premier président en fut bientôt averti, et sentit aussitôt ce que cela vouloit dire. Sa passion de demeurer notre juge l’emportant sur son orgueil, il n’est soumission qu’il ne fit, et ne fit faire à Paris et en Bretagne à M. de Rohan, et telles qui ne s’exigent pas même des moindres vassaux.

Ce procédé flatta le duc de Rohan déjà bien ébranlé par son irrésolution naturelle : il voulut donc obliger le premier président en un point si sensible, et pour y parvenir, nous